L’arsenal européen : entre volonté politique et labyrinthe législatif
1. Directive sur le droit d’auteur : vers une responsabilisation des plateformes
Adoptée en 2019 et transposée progressivement, la Directive européenne sur le droit d’auteur vise à rééquilibrer la relation entre géants du net et créateurs. L’article 17 impose aux plateformes de négocier l’exploitation des œuvres – une avancée symbolique, mais la route reste escarpée :
- Négociation obligatoire : YouTube, Spotify & cie doivent dorénavant obtenir des licences et indemniser plus justement ayants droit et auteurs.
- Transparence accrue : Les musiciens et labels bénéficient aussi d’un droit d’accès à des informations sur l’exploitation de leurs œuvres, un verrou qui, s’il s’ouvre vraiment, permettrait de sortir du brouillard qui entoure encore le calcul des streams rémunérés.
Mais l’effet sur les revenus est pour l’instant marginal : les majors bénéficient surtout de la puissance de négociation accrue, là où l’indépendant reste perdu face à la complexité contractuelle.
2. Les mesures pour la transparence : une lumière sur la « boîte noire » des algorithmes ?
L’Union frappe désormais à la porte des modèles opaques. La Digital Services Act (DSA), entrée en vigueur en 2024, réclame des plateformes une clarté inédite sur leurs algorithmes et leurs flux financiers. À la clé ?
- Obligation de dévoiler les critères de recommandation, favorisant une redécouverte d’œuvres moins exposées
- Encouragement à la visibilité des œuvres européennes et de la diversité culturelle
- Contrôle renforcé sur la gestion des droits et des reversements
Pourtant, la « transparence » ne signifie pas répartition : comprendre la mécanique ne bouleverse pas forcément le partage. Tant que le modèle pro-rata règne (chaque écoute est diluée dans l’océan global), les artistes de niche y perdent.
3. Audace numérique : la proposition du user-centric dans la rémunération
Un courant politique prend racine : remplacer le système pro-rata par une rémunération « user-centric » (chaque abonné rémunère ses artistes écoutés, plutôt que de verser sa contribution dans un pot mondial).
- Testé par Deezer en France dès 2024, ce modèle promet de réduire les écarts entre artistes mainstream et artistes de niche.
- Selon une étude de l’Université de Nantes (2022), l’approche user-centric augmenterait de 17% la part reversée aux artistes indépendants (source : Centre National de la Musique).
L’Europe pourrait imposer ce mécanisme—mais la résistance des majors et la crainte des plateformes envers les artistes générant du bruit blanc ou des contenus « optimisés » pour l’algorithme rendent cette évolution complexe.